Les fantômes de Terezin
A la fin de l'été 1944, la Gestapo de Prague force le cinéaste juif Kurt Gerron, interné à Terezin, à y tourner un film de propagande pour montrer à la communauté internationale les conditions de vie idylliques du camp.
Dans son roman Austerlitz (Actes Sud, 2002), W. G. Sebald décrit la quête de son héros sur les traces de sa mère disparue dans le camp de Terezin. Au cours de son périple, il découvre le film de propagande que les nazis firent tourner dans le camp-ghetto tchèque. A la première vision, il est assailli par la trépidation des images et l'allégresse mensongère du speaker. Lui vient alors l'idée de passer le film au ralenti : les scènes enjouées se muent soudain en une danse des spectres et, dans les bords effrangés d'un plan, se détachant à peine de l'ombre, apparaît le visage d'une femme qui pourrait être sa mère. Le visionnage lent des images et l'attention portée aux arrière-plans déchirent le voile du mensonge, décontaminent la propagande, rappellent à la lumière des visages d'outre-tombe.