Livres

Manuel pratique d'archéologie
par Louis Frédéric, Paris, Robert Laffont, 1978, 2e éd. revue et augmentée, 430 p., 59 F.
On trouvera exposées dans ce livre, des notions sur la prospection des sites, les techniques de fouille et de relevé, la datation et l'analyse en laboratoire des vestiges, leur conservation. Les techniques présentées sont classiques, pour ne pas dire anciennes. Un néophyte s'y verra expliquer de manière claire (mais très mal illustrée) des méthodes complexes telles que les prospections magnétiques et électriques ou les datages au carbone-14. D'une manière générale, les parties les plus spécialisées sont les meilleures. Car, outre des erreurs inadmissibles au plan des connaissances archéologiques, particulièrement sensibles en préhistoire, cet ouvrage présente une vision étroitement limitée des fouilles. A l'en croire, l'étude de la chronologie prime, au détriment de celle des sols d'habitat et du mode de vie des populations disparues.

Roman Britain
par John Wacher Londres, J.M. Dent & Sons Ltd, 1978, 286 p., £6.95.
Ce livre s'adresse à un public d'amateurs éclairés, d'étudiants ou de spécialistes. Il fournit un panorama de l'histoire britannique de la fin de l'âge du fer aux grandes invasions du Ve siècle sans prétendre à la continuité. L'auteur est un archéologue professionnel connaissant bien les problèmes et les résultats des fouilles les plus récentes. S'il n'oublie pas les traits essentiels de l'évolution, il est surtout préoccupé du cadre matériel et quotidien de la vie britannique à l'époque romaine. En témoigne l'abondance des illustrations de qualité, mais parfois austères et peu commentées. Les définitions et les descriptions détaillées visent à guider le non-spécialiste autant qu'à montrer les limites des connaissances acquises.

La Femme dans les civilisations des Xe-XIIIe siècles

université de Poitiers, publications du CESCM, 1977, 173 p., 85 F.

Ces actes d'un colloque tenu à Poitiers en 1976 sur un sujet très actuel s'ouvrent sur l'exposé des questions fondamentales par Robert Fossier. Nombre des femmes (peut-être inférieur à celui des hommes) ; leur poids économique, considérable par exemple dans l'industrie textile ou le travail des champs et essentiel comme «maîtresses» de maison. Position dans la société, apparemment supérieure à celle de l'homme en droit occidental (dot, douaire, héritages...), ce qui fait de la femme une épouse souvent recherchée pour des raisons économiques et aussi une égale à laquelle on s'unit pour la vie par serment et sacrement, par désir physique et par amour. Place dans le domaine moral de cette créatrice et éducatrice d'enfants.

Les exposés qui suivent étudient des exemples géographiques (Byzance, Islam, Europe orientale), les sources, l'iconographie, les visions littéraires, théologiques et philosophiques. La-bande évoque en conclusion les questions qui n'ont pas été traitées : les petites filles, les esclaves, les veuves, les filles mères, les moniales, les sorcières, ou encore la co quetterie, la piété et l'amour conjugal.

Histoire des idéologies
sous la direction de François Châtelet, t. II, De l'Église à l'État, du IXe au XVIIe siècle
Paris, Hachette, 1978, 377 p., 58 F.
Divers sociologues, philosophes ou théologiens - mais on note l'absence d'historiens - se sont réparti quelques thèmes : Église et chrétienté, le Saint Empire, les croisades, la chevalerie, la paix de Dieu, l'Inquisition, Dieu et le diable, l'éthique marchande, l'ordre nouveau de la Renaissance, l'idéologie de la nature, le protestantisme, la genèse de l'État laïc, etc. L'ensemble, bien structuré malgré la diversité des auteurs et de nombreuses lacunes ou divergences de détail, part de l'Église de Grégoire le Grand pour arriver à l'État de Louis XIV.

A chaque moment, on y suit une idéologie, qui se clôt sur elle-même de manière logique, car elle est un système de légitimation de l'ensemble des pratiques sociales et donc, au sens de Marx, un discours ayant pour fin de masquer une opération de pouvoir. Au long de ces neuf siècles, selon François Châtelet, le thème central a été celui de la potestas et de ses successives interprétations. Le modèle d'État a pour origine la vision chrétienne du monde, imposée à des peuples très divers par les pouvoirs (papes, inquisiteurs, empereurs, rois et leur police, etc.). L'idéologie chrétienne avance masquée dès qu'éclatent les conflits entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel.

Quand la Normandie était aux Vikings
par Michel Planchon, Paris, Fayard, 1978, 392 p. 55 F.
Quand les rois de France étaient en Val de Loire

par Claude Launay, Paris, Fayard, 1978, 308 p., 49 F.
Voici une nouvelle collection, dirigée par Pierre Miquel, à mi-chemin entre le roman et l'histoire, et destinée au grand public. Les auteurs s'attardent sur les personnages de légende, Guillaume le Conquérant par exemple, dont la mort seule aurait empêché la conquête de la France entière et donc l'union irrésistible de l'Angleterre, de la Normandie et de la France. Ou encore Rol-lon le Marcheur, trop grand pour monter à cheval, roi de la mer, dominant de la tête et des épaules le frêle roi Charles le Simple... Des événements militaires, politiques, des faits culturels forment le point d'ancrage du roman dans l'histoire. Une bibliographie concise mais correcte, une généalogie très simplifiée et une carte assez parlante complètent agréablement la Normandie. Le Val de Loire a droit aussi à une carte, mais pas aux photographies qu'on attendait.

La Vie quotidienne dans l'Europe médiévale sous domination arabe
par Ch.-E. Dufourcq, Paris, Hachette, 1978, 288 p., 42 F.
En 632, à la mort du Prophète, l'Islam n'exerce, sur la péninsule arabique où il est né, qu'un contrôle encore précaire. En 731, un an avant la bataille de Poitiers, les musulmans sont à 100 kilomètres de Paris. Leur domination sur des morceaux de ce qui n'est pas encore la France sera brève : quatre-vingt-dix ans dans les Maures, quelques années ou quelques dizaines d'années ailleurs. Mais elle va, en Espagne, se maintenir huit siècles jusqu'à la chute de Grenade, le dernier bastion, et marquera de son empreinte l'Italie du Sud et la Sicile.

Le public des non-historiens n'a guère d'occasions de s'informer avec précision sur cette période de l'histoire européenne dont il ignore généralement l'importance. La parution, dans la célèbre collection « La vie quotidienne », d'une brève synthèse, qui ne prétend pas à l'originalité mais s'appuie sur des travaux spécialisés souvent peu accessibles, est donc a priori bienvenue. Centré sur l'Espagne, qui offre la documentation la plus ample, le livre de Ch.-E. Dufourcq présente, de ces temps où des millions d'Européens étaient sujets d'une puissance coloniale, une vision qui surprendra beaucoup de lecteurs.

On peut déplorer toutefois que l'auteur, bon connaisseur des sources chrétiennes, soit visiblement moins à l'aise avec les sources islamiques et regretter l'emploi constant du terme « mahométan », hérité de vieilles polémiques.

Chroniques arabes des croisades
par Francesco Gabrielli, Paris, Sindbad, 1977, 408 p., 85 F.
Le Recueil des historiens des croisades publié autrefois par l'Académie des inscriptions comptait, sur 16 volumes, 5 tomes consacrés aux historiens arabes. Malaisés à consulter (et à manier), ces ouvrages étaient en outre très critiqués par les spécialistes, qui jugeaient discutables aussi bien le choix des textes que leur établissement et leur traduction. Moins ambitieuse, l'anthologie du grand arabisant Francesco Gabrielli, parue en Italie en 1957 et qui vient d'être traduite en français, sera beaucoup plus utile aux étudiants et, plus généralement, à tous les lecteurs qui veulent avoir sur les croisades le point de vue de l'adversaire. Les extraits, brièvement mais clairement présentés, sont souvent très pittoresques et donnent une bonne idée de la manière dont les croisades étaient vécues par les musulmans (pour une étude plus systématique, on peut consulter E. Sivan, l'Islam et la Croisade (Paris, Maisonneuve, 1968). La retraduction des originaux arabes à partir de la version italienne a été faite avec soin. La typographie et la mise en pages, comme dans les autres productions du même éditeur, sont impeccables.

Anne de Bourbon, roi de France
par Jean-Charles Varennes, Paris, Librairie Académique Perrin, 1978, 409 p., 62 F.
Le titre intrigue et la jaquette semble bien représenter une femme. L'introduction nous apprend qu'il s'agit d'Anne de France, dite aussi de Beaujeu, fille de Louis XI et régente de 1483 à 1491 - avec l'aide de son mari, Pierre de Beaujeu, duc de Bourbon - durant la minorité de son frère Charles VIII. Entre Aliénor d'Aquitaine et quelque autre reine Blanche, il y avait une lacune à combler. Mieux encore, la régence d'Anne a été pour le royaume une période charnière.

Les appendices (avec horoscope !) ne sont attentifs qu'aux seuls événements politiques ou dynastiques, la bibliographie est squelettique et de deuxième, troisième ou quatrième main. Mais le livre reste bien centré, les détails sont exacts et savoureux : plus que la documentation, trop classique, ou l'interprétation des faits, c'est l'héroïne elle-même qui cristallise l'intérêt de ce livre.

Histoire de l'URSS
Moscou, Éditions du Progrès, 1977, t. I : 349 p., 28 F; t. II : 637 p., 32 F.
Cette histoire de l'URSS, soigneusement présentée et agréablement illustrée, commence au paléolithique. Pourquoi s'en étonner, puisque dès le Moyen Age « les destinées de l'Europe dépendaient dans une très grande mesure de la Russie qui protégea la civilisation européenne contre les hordes de Gengis Khan et de Tamerlan » ? Le premier volume court donc de la préhistoire à octobre 1917. L'exposé est clair, avec une égale insistance sur les aspects sociaux, politiques et culturels. Les âges de l'histoire se succèdent et les modes de production s'emboîtent miraculeusement : aux sociétés esclavagistes succède le féodalisme, bientôt accoucheur du capitalisme qui, en octobre 1917, cédera le pas au socia lisme.

Après le jeu de cubes, le jeu des familles : le deuxième volume, qui va pesamment de 1917 à nos jours, nous permet de distinguer les grands groupes qui organisent l'histoire officielle de l'URSS. Les absents d'abord : Béria, Vychinski, les procès de Moscou et le complot des Blouses blanches n'ont, semble-t-il, jamais existé. A la différence de Khrouchtchev qui n'apparaît, dans l'histoire du pays, qu'en octobre 1964, pour être « libéré de ses fonctions de premier secrétaire ». Puis viennent les orphelins, telle l'armée rouge qui, de 1918 à 1920, remporta, semble-t-il, de grands succès, sans avoir à sa tête de Commissaire du peuple à la Guerre : mais il est vrai qu'il s'appelait Trotski.

Loin devant, marche le groupe des démiurges : Lénine qui, de 1917 à la fin 1923, fit tout, et tout seul, mais aussi Staline - ce « théoricien et organisateur de talent, qui avait des mérites importants dans le développement du mouvement communiste et de libération nationale ». Assurément, « le culte de la personnalité de Staline causa beaucoup de tort à l'édification socialiste, mais il ne modifia en rien la nature véritablement populaire du régime soviétique, qui exprimait les intérêts vitaux du peuple, bâtisseur du socialisme », last but not least, il y a le groupe des épigones, dont l'unicité est sans équivoque : seul M. Brejnev a droit à ce titre éminent.

Le tout est d'une lecture fort instructive. Comment écrit-on, aujourd'hui, en URSS, une histoire très officielle ? La réponse tient dans ces deux livres et dans ces trois mots : avec une gomme.

Souvenirs de Bretagne Photographies de Charles Lhermitte (1911-1913)
Paris, Éditions du Chêne, 1978, 80 p., 120 F.
Ces 57 photos rassemblent tous les éléments d'une Bretagne « rétro » dont raffolent les touristes pressés : dentelles et coiffes, filets et perches des thoniers, bains de mer et pardons, activité des ports et poésie des chemins creux. Et pourtant, le mendiant surgit, les draps ruissellent, la barque s'use, les chevaux s'énervent, la misère suinte et le ciel n'impressionne pas la plaque du photographe. Charles Lhermitte sait refuser la nostalgie pour chanter la pudeur d'un peuple promis aux sacrifices. Arrière la Bretagne « éternelle » ! Louis Guilloux nous rappelle dans sa préface qu'il n'est qu'une seule Bretagne : celle de « nos seigneurs les pauvres ».

La Vie quotidienne au palais Bourbon à la fin de la Troisième République
Paris, André Guérin, Hachette, 1978, 319 p., 40 F.
De 1924 à 1939, André Guérin rendit compte des débats parlementaires pour le Populaire et l'Œuvre. Il raconte aujourd'hui la très petite histoire du palais Bourbon telle qu'il l'a vécue dans l'entre-deux-guerres. Un pittoresque récit d'humeur, où l'on retrouve les grands et les ténors : Herriot, Chautemps, Daladier et Blum, mais aussi les autres, les oubliés de l'histoire, comme le député de l'Orne, Adrien Dariac, ministre de l'Agriculture - pour quatre jours en 1914 - et ministre des Colonies, l'espace de quarante-huit heures, en 1926. Qualités, amitiés et hasards présidaient à l'attribution des maroquins. Léon Blum veut, un jour, un sénateur radical pour le ministère de la Marine. Jules Moch se souvient d'un Breton avec un nom à trait d'union. Il consulte l'annuaire du Sénat, tombe sur Gasnier-Duparc, d'Ille-et-Vilaine, le nomme ministre, et, rentré chez lui, se souvient enfin du nom qu'il cherchait : Meunier-Surcouf. C'est un récit sans prétention qu'on lit sans effort.

Le Secret de Stalingrad
par Walter Kerr, Pans, Plon, 1978, 284 p., 50 F.
Malgré près de cent mille ouvrages et articles, tout n'a pas été dit sur la Seconde Guerre mondiale, loin de là, surtout à l'Est, et notamment à Stalingrad. Huit mois de combats acharnés, un front initial de 500 kilomètres, des millions de combattants, des pertes énormes provoquant un tournant de la guerre : Stalingrad a été une sorte de Verdun, mais avec un gagnant et un perdant. Nouvelle contribution à ce moment décisif de la guerre, l'étude de Walter Kerr développe une idée neuve : Staline a gagné la bataille en jetant dans la balance dix armées de réserve (60 divisions !) dont personne ne soupçonnait l'existence. A considérer avec intérêt et prudence.

La Dernière Guerre européenne (sept. 1939 - déc. 1941)
par John Lukacs, Paris, Fayard, 1978, 486 p., 79 F.
Une idée intéressante : étudier la dernière guerre avant sa mondialisation, c'est-à-dire avant décembre 1941, date à laquelle, de toute façon, Hitler ne peut plus gagner la guerre (idée, soit dit en passant, qui mériterait d'être développée). Un projet ambitieux : embrasser globalement, à l'échelle de l'Europe, après un bref (et inutile) rappel des événements, les principaux mouvements : vie des peuples, marche des armées, relations entre États, sentiments des nations, etc. Malheureusement, cette étude pourtant riche, solide et critique, nous offre plus une mosaïque confuse de réflexions et de notations qu'une synthèse d'ailleurs bien difficile à réaliser.

L'Album de famille de la télévision française (1950-1959)

texte de Henri Spade, Paris, Robert Laffont/ Éditions des Alouettes, 1978, 318 p., 49 F.

Le plus bel album du monde ne peut donner que ce qu'il a : des images, visages oubliés ou traits rajeunis des vedettes d'aujourd'hui. On feuillette celui-ci avec plaisir, on constate avec amusement que les émissions d'Henri Spade -son inusable « Joie de Vivre » en particulier - sont à l'honneur ; on cherche à se persuader que la télévision naissante était peut-être cette délicieuse famille bien de chez nous, sans rides et sans conflits, au sourire mécanique et glacé. On regrette bien vite de ne pas trouver de développements plus adaptés aux adultes sur ce formidable mécanisme (3 800 récepteurs en 1950, 1 500 000 en 1959) qui irrigue les foyers ; sur les objectifs des responsables, sur les réflexions que ces valeureux pionniers du spectacle à domicile et en direct se font à eux-mêmes. On sent bien la joie de l'improvisation, l'émergence de la notion d'actualité visuelle, l'absence de réflexion des gouvernements de la IVe République, la mutation décisive qu'amorce une Ve République au président télégénique. Mais le panorama manque de relief et le lecteur restera souvent sur sa faim.

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