Qui a peur de Spinoza ?
Toute la subversion des Lumières se trouve déjà chez Spinoza à la fin du XVIIe siècle : Voltaire et Rousseau ne furent que les héritiers timides du "prince des philosophes". C'est ce que plaide Jonathan Israel dans une étude importante, Les Lumières radicales*.
Les historiens des Lumières auraient-ils fait fausse route ? L'image d'un mouvement critique, mais globalement modéré et réformateur, dont l'apogée se situerait dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, et qui trouverait ses racines en Angleterre et en France, serait-elle erronée ? C'est en tout cas la thèse forte et provocatrice que soutient le professeur d'histoire à Princeton Jonathan Israel, dans un livre important qui vient d'être traduit en français.
A ses yeux, la lecture classique des Lumières néglige en effet ce qui fut le courant le plus novateur et le plus radical du mouvement : le spinozisme. C'est Spinoza qui, dès la fin du XVIIe siècle, et depuis les Provinces-Unies, aurait fourni la "matrice intellectuelle" de ce vaste courant de pensée, à la fois rationaliste, matérialiste et démocratique, qui allait bouleverser la culture occidentale.